Réverbérations. Marché central de Casablanca - Histoires de résistance
Au cours des derniers mois, j'ai documenté la mémoire collective du marché central de Casablanca en enregistrant les voix de ses vendeurs qui me racontent leurs histoires.
Construit en 1917 sous la colonisation française par l'architecte Pierre Bousquet, qui a conçu de nombreux autres équipements de la ville tels que l'hôpital civil, la poste ou la bourse, le marché était très fréquenté par les Européens fortunés.
Les marchandises sont chères et les commerçants, juifs pour la plupart, soigneusement choisis. En 1953, les autorités françaises déposent le roi Mohammed Ben Youssef (futur Mohammed V) et le remplacent par le roi fantoche Ben Arafa. Les nationalistes réclament le retour du roi légitime, ce qui provoque une série d'attentats à la bombe, dont un au marché central.
La bombe explose le jour de Noël dans l'allée des bouchers, tuant plusieurs Européens.
Une répression impitoyable s'ensuit.
En 1956, le Maroc accède à l'indépendance.
L'histoire de l'attentat a été transmise aux commerçants d'aujourd'hui, ainsi que les magasins tenus par leurs parents.
Depuis les années 1980, les évolutions urbaines et sociologiques, comme l'apparition des supermarchés ou du tramway, ont profondément modifié la fréquentation du marché. Avec la disparition de sa clientèle élégante, la baisse des ventes a poussé les propriétaires à louer leurs boutiques, et des restaurants bon marché se sont développés de manière anarchique.
Les menaces actuelles pour la survie du marché sont les services de livraison de nourriture et les appétits immobiliers.